La maltraitance envers les personnes âgées, particulièrement au sein des Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD), est un sujet d’une importance cruciale.
En effet, selon la plateforme nationale téléphonique 3977 (numéro d’urgence mis en place par les pouvoirs publics pour avertir d’une maltraitance), le deuxième semestre de l’année 2022 marque une augmentation des alertes des résidents en établissements de +59% par rapport au deuxième trimestre de l’année 2021. Les alertes sont passées de 451 à 716 soit plus 265 signalements en 1 an. Vous retrouverez le détail dans leur communiqué de presse du 15 septembre 2022.
Ce constat évoque des réalités douloureuses et inacceptables qui appellent à une action immédiate pour protéger la dignité et le bien-être des résidents vulnérables. Il souligne plus particulièrement l’importance du développement d’une politique visant à lutter contre la maltraitance tout en favorisant la bientraitance au sein des établissements.
Après avoir défini les bonnes pratiques à mettre en œuvre afin de garantir la liberté d’aller et venir, favoriser le respect de la dignité et de l’intégrité, le respect du droit à l’image ou encore le respect de la vie privée et de l’intimité, nous nous intéressons aujourd’hui à une notion tout aussi complexe : la bientraitance.
Dans cet article, nous allons explorer en détail la notion de maltraitance en EHPAD, en définissant ses différentes formes et en présentant les enjeux liés à sa prévention. Nous discuterons également des mesures et des recommandations qui peuvent être mises en place pour promouvoir la bientraitance, favorisant ainsi un environnement plus sûr et respectueux au sein de ces établissements. Enfin, nous avons prévu un focus sur la maltraitance et son lien avec l’évaluation de la HAS.
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Animé par Alice Müller, consultante
et formatrice GePI Conseil
Qu’est-ce que la maltraitance en EHPAD ?
Maltraitance EHPAD : définition
La maltraitance désigne l’ensemble des violences portant atteinte à la dignité des personnes qui en sont victimes.
La définition de la maltraitance reconnue par l’ANESM (actuellement l’HAS) est celle proposée par le Conseil de l’Europe en 1987, il s’agit alors d’une violence se caractérisant « par tout acte ou omission commis par une personne s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d’une autre personne, ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière. »
Ainsi, le terme maltraitance représente l’ensemble des abus, des négligences ou violences commis par un ou des professionnels envers une ou plusieurs personnes accompagnées. À l’inverse, les actes commis par les usagers envers les professionnels sont eux qualifiés de « violences. »
La maltraitance peut survenir en établissement et à domicile. Elle peut être le fait des professionnels de santé ou d’accompagnement, d’un dysfonctionnement dans le service, des membres de la famille, du voisinage, etc. De plus, la maltraitance peut être ponctuelle ou durable et être exercée de manière individuelle, collective ou institutionnelle.
Les différentes formes de maltraitance
Il existe plusieurs types de maltraitance, on distingue en premier lieu les « maltraitances par inadvertance », et les « maltraitances intentionnelles ».
- Les maltraitances par inadvertance : se caractérisent par des négligences passives, qui n’ont pas été menées dans l’intention de nuire. Ce type d’événement se produit généralement à cause d’un manque d’information, de connaissance ou de formation. Il peut également se produire à cause d’un effectif trop faible au sein de l’établissement menant à des situations d’épuisement. Dans cette situation-là, l’auteur du fait est maltraitant sans le savoir et sans le vouloir.
- Les maltraitances intentionnelles : ici, on parle de maltraitance active. L’auteur du fait a l’intention de nuire.
Que la maltraitance soit active ou passive, celle-ci peut prendre plusieurs formes :
- Les maltraitances physiques : peuvent se caractériser par de la brutalité (notamment lors de l’administration des soins), des coups, des bousculades, l’utilisation de moyens de contentions non justifiée, etc.
- Les maltraitances psychologiques : lorsque qu’il y a dévalorisation de la personne. Il peut alors s’agir d’humiliation, de brimades, de harcèlement, d’insultes, de menaces, etc.
- Les maltraitances médicales : lorsque la personne accompagnée ne bénéficie pas des soins dont elle a besoin, on peut prendre comme exemple la privation ou un excès de médicaments, un abus de sédatifs, une privation de soins, etc.
- Les maltraitances sexuelles : on parle ici d’agressions sexuelles, de viols, ou autres atteintes.
- Les maltraitances civiques : avec une mise sous tutelle abusive, privation de liens avec l’extérieur, ignorance par le personnel, etc.
- Les maltraitances matérielles et financières : dans des cas d’escroqueries, de procurations abusives, de vols, etc.
Maltraitance EHPAD : le lien avec l’évaluation de la HAS
Dans l’objectif d’améliorer considérablement la qualité de vie des personnes accueillies en EHPAD, l’Etat mène depuis le début des années 2000 une véritable politique de prévention et de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance.
Cette politique s’articule autour de 4 grands enjeux :
- Faciliter et améliorer le repérage, l’alerte et le traitement des risques et situations de maltraitance.
- Accompagner les professionnels en assurant un contrôle de la qualité des établissements et services sociaux ou médico-sociaux, avec le référentiel d’évaluation de la qualité des ESSMS.
- Améliorer la connaissance et mieux sensibiliser les équipes sur ces événements.
- Permettre la création d’une culture d’accompagnement bientraitant (grâce aux RBPP, charte éthique, etc.)
Pour répondre à ces enjeux, plusieurs dispositifs ont été mis en place, nous nous concentrerons plus particulièrement sur les attendus formulés par le référentiel de la qualité commun à tous les ESSMS.

La bientraitance et le référentiel qualité de la HAS
La HAS rappelle dans son référentiel d’évaluation la place importante de la gouvernance (chapitre 3 et 2) : la gouvernance doit déployer sa conception et sa stratégie de la bientraitance.
Chapitre 2 : garantie des droits de la personne accompagnée qui sont les éléments essentiels de la bientraitance (respect intimité, dignité, vie privée, etc.)
Chapitre 1 : thématique de la bientraitance : c’est ce que les gens ressentent et perçoivent.
Tous les critères relatifs à la bientraitance sont impératifs.
À noter : la maltraitance peut être considérée à la fois comme un risque et un événement indésirable. Pour répondre aux attendus de l’évaluation de la HAS de manière satisfaisante, il est nécessaire de comprendre les attendus de l’institution concernant la gestion des risques en établissement.
Les critères liés à la gestion des risques et aux événements indésirables
Le référentiel consacre une thématique entière à la gestion des risques. Vous pouvez la retrouver dans le chapitre 3 sous le nom de « démarche qualité et gestion des risques ».
Dans cette thématique, 6 critères sont investigués, dont 4 critères impératifs :
- Critère 3.10 « L’ESSMS définit et déploie sa démarche d’amélioration continue de la qualité et de gestion des risques. »
- Critère (impératif) 3.11 « L’ESSMS définit et déploie son plan de prévention des risques de maltraitance et de violence. »
- Critère (impératif) 3.12 « L’ESSMS assure le recueil et le traitement des plaintes et des réclamations. »
- Critère (impératif) 3.13 « L’ESSMS assure le recueil et le traitement des événements indésirables. »
- Critère (impératif) 3.14 « L’ESSMS est doté d’un plan de gestion de crise et de continuité de l’activité. »
- Critère 3.15 « L’ESSMS s’inscrit dans une dynamique d’innovation et d’évolution sociétale. »
Zoom sur les critères liés à la maltraitance
À proprement parler, il n’y a qu’un seul critère du référentiel faisant directement référence à la maltraitance. Il s’agit du critère 3.11 « L’ESSMS définit et déploie son plan de prévention des risques de maltraitance et de violence ». Ce critère prévoit deux sous-critères :
Critère (impératif) 3.11.1 « L’ESSMS définit, avec les professionnels, un plan de prévention et de gestion des risques de maltraitance et de violence au bénéfice des personnes accompagnées. »
Ce critère prévoit 2 éléments d’évaluation :
- L’ESSMS identifie avec les professionnels les situations à risque pouvant générer des actes de maltraitance et de violence.
- L’ESSMS définit un plan de prévention et de gestion des risques de maltraitance et violence au regard des risques identifiés.
Les attendus : Tous documents décrivant les actions de prévention et de gestion des risques de maltraitance et de violence. Exemples : document identifiant les situations à risque, plan de prévention et de gestion des risques de maltraitance et de violence, comptes rendus de réunion, procédures de déclaration, d’alertes, de gestion de la violence.
Critère (impératif) 3.11.2 « L’ESSMS traite les signalements de faits de maltraitance et de violence, et met en place des actions correctives. »
Ce critère prévoit 3 éléments d’évaluation :
- L’ESSMS analyse les signalements de maltraitance et de violence.
- L’ESSMS met en place des actions correctives.
- Présentation de bilans aux instances.
Les attendus : Tous documents permettant de confirmer le traitement des signalements de maltraitance et de violence. Exemples : fiches de signalement complétées, comptes rendus de réunion, plan d’action d’amélioration, suivi des actions mises en place et communication.
Comment prévenir la maltraitance en EHPAD ?
Pour soutenir les politiques de lutte contre la maltraitance, de nombreuses actions peuvent être mises en place par l’établissement et les professionnels.
Nous avons sélectionné, pour vous, plusieurs recommandations issues du document « RBPP – La bientraitance : définition et repères pour la mise en œuvre ». Notre liste est non-exhaustive, vous retrouverez l’ensemble des bonnes pratiques à mettre en œuvre dans le document.
Mais qu’est-ce que la bientraitance ? Selon la Haute Autorité de la Santé, la bientraitance est « une démarche globale de prise en charge du patient ou de l’usager et d’accueil de l’entourage visant à promouvoir le respect de leurs droits et libertés, leur écoute et la prise en compte de leurs besoins, tout en prévenant la maltraitance. »
La bientraitance porte 3 grands principes :
- Impliquer les personnes accompagnées dans leurs soins.
- Améliorer la qualité de vie au travail des professionnels.
- Permettre aux usagers de s’exprimer et que leurs avis soient pris en compte.
Mettre en œuvre une démarche de bientraitance nécessite alors l’implication de l’ensemble des acteurs de l’établissement. La sensibilisation doit se faire un niveau de la gouvernance (l’ESSMS), des professionnels, et également auprès des personnes accompagnées.
Promouvoir la bientraitance en EHPAD auprès et avec les personnes accompagnées : rendre l’usager co-acteur de son parcours
Informer la personne accompagnée de l’ensemble de ses droits
En premier lieu, et cela dès l’admission en EHPAD, la personne accompagnée doit être informée de l’ensemble de ses droits et des possibilités qui s’offrent à elle dans le cadre de son accompagnement.
Cette information doit se transmettre de manière adaptée et compréhensible à la personne et à ses proches.
Cocréer le projet d’accompagnement
Par la suite, il faut cocréer le projet d’accompagnement avec la personne concernée. Cela passe notamment par un diagnostic de la situation de la personne, de ses besoins et de ses attentes. Il faut personnaliser le projet et les prestations qui en découlent le plus possible, sans priver la personne de son autonomie.
Pour personnaliser le projet d’accompagnement, il faut entendre la parole de la personne accompagnée et respecter sa légitimité. Cela signifie qu’il faut recueillir les souhaits et les aspirations de la personne même si elles entrent en contradiction avec la perception qu’ont les professionnels de la situation. On cherche des solutions, avec la personne, pour répondre au plus près de ses besoins. Le fait de prendre en compte leur parole a également pour bénéfice d’améliorer l’estime de soi de la personne et de travailler à la construction d’une image valorisante d’elle-même.
Ce projet d’accompagnement doit définir les modalités de prise en charge ainsi que les actions à mettre en œuvre. Il doit également faire l’objet d’un suivi et d’une (re)évaluation.
L’usager, un être unique et singulier
Il est important de considérer les personnes accompagnées comme des êtres uniques et singuliers. Tous les usagers ne rencontrent pas les mêmes difficultés, ne sont pas confrontés aux mêmes risques et ont des souhaits différents. Pour favoriser la bientraitance, il faut prendre en compte l’ensemble de leurs particularités afin de leur proposer les meilleures solutions.
Par ailleurs, l’encadrement peut mettre en place des temps d’échange visant à écouter les professionnels sur ce qu’ils vivent au quotidien et pour qu’ils puissent témoigner de leurs difficultés. Ces moments ont pour objectif de mutualiser les expériences, de favoriser l’analyse collective des pratiques et ainsi de rentrer dans une démarche d’amélioration continue des pratiques professionnelles.
Enfin, ces échanges sont également de réelles opportunités pour développer un questionnement éthique sur les pratiques des professionnels.
La bientraitance au cœur de la politique de l’établissement
Organiser le traitement des signalements de maltraitance et de violence
Il faut pouvoir traiter les signalements de maltraitance et de violence et les analyser pour optimiser les processus et diminuer leur existence. Vous pouvez, pour cela, utiliser un logiciel de gestion de la qualité ayant un module de gestion des risques des usagers et des événements indésirables. Il vous permettra ainsi de recueillir des données pertinentes et fiables pour mettre en œuvre des plans de préventions plus efficaces et plus concrets.
Organisez le traitement des signalements de maltraitance avec MS Qualité
Le logiciel pour maîtriser de A à Z votre démarche qualité
Évaluations
Réalisez des évaluations et des audits
Enquêtes
Réalisez des enquêtes en ligne et analysez les résultats
Plan d’actions global
Suivez toute l’activité dans un plan d’actions consolidé
Événements Indésirables
Déclarez, traitez et analysez les événements indésirables
GED
Partagez des documents pour tous les établissements
Tableau de bord
Évaluez, analysez et suivez les indicateurs
Réclamations
Enregistrez, traitez et analysez les réclamations
Risques
Réalisez l’évaluation des risques professionnels et usagers
Le projet d’établissement : pierre angulaire de la bientraitance en EHPAD
Le projet d’établissement doit donner un sens aux actions menées par les professionnels. Celui doit être coconstruit avec les professionnels du service ou de l’établissement, dans l’objectif de fédérer et de mobiliser l’ensemble des acteurs de l’établissement.
Il doit décliner des objectifs précis en prenant en compte la notion de bientraitance. Pour cela, le projet d’établissement doit :
- S’approprier les principes, méthodes, attitudes et des comportements adaptés contribuant à la déontologie professionnelle.
- Formaliser des valeurs communes.
- Placer la personne accompagnée au centre du dispositif de soins ou de travail.
- Repérer les situations à risque.
Ce projet doit être régulièrement réévalué, afin de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue de la qualité des services rendus en établissement, notamment concernant :
- L’accueil et l’accompagnement de la personne et de ses proches.
- L’assistance dans les besoins fondamentaux, comme la toilette, les soins d’hygiène, aide à la mobilité, etc.
- La prévention et le traitement de la douleur.
- L’accompagnement de la personne en fin de vie et de ses proches.
- Les consultations, les examens, les traitements, etc.
La maltraitance en EHPAD : définition d’une charte de bientraitance
Pour bien formuler l’axe de la bienveillance au sein du projet d’établissement, les structures peuvent établir une charte de bientraitance et/ou une cartographie des risques de maltraitance.
L’objectif de cette charte est de proposer aux établissements un outil partagé leur permettant de développer les bonnes pratiques de bientraitance. Cet outil sert de réflexion et de partage des valeurs professionnelles autour de la bientraitance. Elle doit être intégrée dans la réflexion éthique des établissements et doit se décliner en 10 engagements permettant d’identifier les actions de bienveillance à mettre en œuvre dans les étapes du parcours d’une personne accompagnée.
Vous pouvez vous référer à la charte de la bientraitance proposée par le Réseau REQUA et la HAS. Elle s’intègre dans une réflexion éthique et se décline en 10 engagements. Vous pouvez aussi établir une cartographie des risques de maltraitance, en vous référent par exemple au guide du ministère.
Notre synthèse sur la maltraitance en EHPAD
La bienveillance occupe une place prépondérante dans le référentiel d’évaluation de la qualité des ESSMS, sans négliger la prévention de la maltraitance.
La notion de la bienveillance est complexe, la politique de prévention doit être construite de manière à agir à chaque étape du parcours d’accompagnement de la personne prise en charge : de son accueil en EHPAD, pendant la vie quotidienne, jusqu’à la fin de sa vie.
La notion de bientraitance doit alors impérativement être associée au projet d’établissement, sa déclinaison concernant la qualité des services rendus en établissement en sera d’autant plus facilitée. L’idée est de fédérer les équipes en mettant en place une véritable culture et dynamique de bientraitance au sein de l’établissement.
Il est nécessaire d’impliquer tous les acteurs de l’établissement. En effet, la personne accompagnée ne doit pas être passive quant à la construction de son projet personnalisée : tous les acteurs sont mobilisés, et cela à tous les niveaux.
L’accompagnement doit être de proximité, pour proposer des accompagnements personnalisés prenant en compte toutes les spécificités de la personne accompagnée.
L’échange entre les équipes, la prise en compte des besoins spécifiques des personnes et la mise en place d’une culture de bientraitance permettent également d’améliorer les pratiques professionnelles et de construire ensemble, à tous les niveaux, un établissement plus sûr et respectueux des personnes accompagnées.
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